Les nouvelles technologies et les innovations bouleversent le statu quo dans de nombreux secteurs, dont celui de la construction. Un panel dédié, modéré par Charles-Albert Florentin, Cluster Manager – Cleantech chez Luxinnovation et Bruno Domange, Senior Environmental Engineer au LIST, s’est concentré sur les défis auxquels sont confrontés les professionnels de la construction. Ils se sont notamment penchés sur la nécessité d’intégrer de nouvelles approches, technologies et innovations dans les projets de construction d’aujourd’hui.
Plusieurs présentations de spécialistes de la construction et d’administrations publiques luxembourgeoises de haut niveau ont souligné la nécessité de repenser les pratiques de construction tout au long du cycle de vie du bâtiment, afin que le secteur progresse vers le net-zéro.
Comment aller plus vite, donner plus de liberté aux différents acteurs pour au moins tester ou mettre en œuvre des solutions innovantes…
«Pour tout ce que nous construisons aujourd’hui, une grande partie des émissions sera émise dans les années à venir», a déclaré Paul Schosseler, directeur de la construction durable et de l’économie circulaire au ministère de l’Énergie et président du Conseil national de la construction durable (CNCD), une initiative privée-publique dont la mission est de promouvoir la construction durable au Luxembourg.
Suivre les innovations rapides dans le secteur
Selon Jean-François Trapp, associé du cabinet d’avocats Baker McKenzie, si le Luxembourg a intégré divers concepts juridiques pour favoriser les développements durables dans le secteur, il existe encore un potentiel d’amélioration. «Comment aller plus vite, donner plus de liberté aux différents acteurs pour au moins tester ou mettre en œuvre des solutions innovantes sur le long terme, et faire en sorte que les choses se passent plus rapidement?»
Dans le contexte du Luxembourg, il a salué l’application fréquente de l’approche «soft law» aux nouvelles inventions, citant la flexibilité accrue qu’elle apporte. Il a toutefois mis en garde contre le fait que cette approche n’est pas «adaptable à tous les types d’innovations». Par exemple, l’installation de «Tiny Houses», des habitations durables, adaptables et alternatives qui nécessitent moins de matériaux et d’énergie, est récemment tombée sous la juridiction des municipalités. Celles-ci ont toutefois la possibilité d’adapter leurs réglementations en conséquence ou pas.
Pour tout ce que nous construisons aujourd’hui, une grande partie des émissions sera émise dans les années à venir.
Il a déclaré que certaines leçons peuvent être tirées de la mise en œuvre de la loi Elan en France et de la loi sur l’énergie dans les bâtiments en Allemagne, qui ont toutes deux été conçues pour rationaliser l’exécution des projets et fixer des normes de performance énergétique dans les bâtiments, respectivement. Pour encourager l’innovation dans le secteur de la construction au Luxembourg, il a proposé les mesures suivantes: la mise en place d’un «bac à sable réglementaire» qui permet aux différents acteurs de tester de nouvelles idées ou des programmes pilotes sans nécessairement adhérer au cadre réglementaire complet; la proposition d’une loi Elan similaire adaptée au Luxembourg; ou encore la délivrance de permis de construire sans affectation. Il a également mis l’accent sur les mesures prises aux Pays-Bas pour adapter les chaînes d’approvisionnement à l’économie circulaire et pour mettre en place une base de données commune pour la gestion de la construction.
Feuille de route pour une construction à faible émission de carbone
M. Schosseler a présenté la récente «feuille de route pour une construction bas carbone» au Luxembourg, qui prend en compte l’ensemble du cycle de vie des bâtiments, depuis l’approvisionnement en matériaux et la fabrication jusqu’à la déconstruction ou la démolition. «Les trois principaux objectifs de la feuille de route sont l’établissement d’un budget carbone, l’estimation d’une base de référence et la mise en place de voies de décarbonisationt», a-t-il expliqué. Ces objectifs sont subdivisés en lots de travail.
Nous devons être capables d’adapter nos infrastructures.
À partir de septembre 2023, une conférence consacrée à la feuille de route, ainsi que divers ateliers, seront organisés. Ces événements mettront en lumière la future approche de l’empreinte carbone, son application aux matériaux et activités de construction, ainsi que des solutions de conception et de construction à faible émission de carbone et des modèles de gestion et de déclaration des émissions de carbone.
Exemples de projets de construction durable: Wooden & Rout Lëns
Sandra Huber, directrice du développement d’IKO Real Estate, a indiqué que les «critères d’évaluation des projets de l’entreprise ont considérablement évolué et prennent en compte des valeurs fondamentales telles que la responsabilité, l’engagement, l’innovation et l’excellence». Le projet Wooden, un projet de construction à faible émission de carbone dont la structure porteuse est entièrement en bois et qui utilise des techniques de préfabrication et de construction hors site, est une illustration pratique de ces valeurs. Le projet pilote résidentiel durable Rout Lëns à Esch-sur-Alzette, qui vise à obtenir une certification de neutralité carbone d’ici 2035, en est un autre exemple.
Approche standardisée: stockage et circulation efficaces des matériaux
Une question de l’auditoire a porté sur les solutions pour le stockage et le flux efficaces des matériaux de démolition et autres matériaux de construction tout au long de la chaîne d’approvisionnement jusqu’au site de construction, ainsi que sur les projets potentiels de création d’un centre de consolidation de la construction au Luxembourg – similaire aux plateformes de Bruxelles, Paris et Londres.
«Nous travaillons activement sur des solutions avec le ministère de l’économie dans ce domaine, mais il faudra du temps pour les mettre en œuvre. Cependant, nous sommes convaincus que nous avons besoin d’une plateforme à la fois virtuelle et physique pour répondre à ces besoins», a affirmé M. Florentin. Bruno Renders, CEO du groupe CDEC (Conseil de Développement Economique de la Construction), a souligné qu’une «approche standardisée» changerait la donne, bien que des mécanismes de stockage innovants aient été conçus dans le cadre de projets privés.
Appliquer les innovations pour promouvoir une meilleure gestion de l’eau
Une autre question portait sur la mise en œuvre des solutions existantes pour la gestion circulaire de l’eau au Luxembourg, en particulier la réutilisation des eaux grises.
«L’eau est une ressource essentielle et je pense que le changement climatique nous montre aujourd’hui que la sécheresse au Luxembourg en plein mois d’août est une réalité. Nous devons être capables d’adapter nos infrastructures», a indiqué M. Renders. Il a évoqué la collaboration entre le groupe CDEC et l’Administration de la gestion de l’eau du Luxembourg pour un cours de formation et de certification destiné aux entreprises, mais aussi aux autorités locales.
L’eau est une ressource essentielle et je pense que le changement climatique nous montre aujourd’hui que la sécheresse au Luxembourg… est une réalité.
«Nous sommes l’un des pays en alerte rouge en matière de ressources en eau. Depuis quatre ans, nous menons beaucoup d’études et de travaux sur les eaux grises et noires. Nous ne perdons pas espoir, nous allons réessayer avec autre stratégie opérationnelle», a ajouté Mme Huber.
Crédit photo: Luxinnovation