En ces temps compliqués où l’approvisionnement en énergie devient de plus en plus coûteux et que certaines énergies fossiles sont vouées à ne plus être disponible, à court et moyen termes, être en mesure de pouvoir exploiter au maximum toute création d’énergie revêt d’un enjeu capital.
«Les entreprises du secteur manufacturier sont en première ligne vis à vie de la transition énergétique, elles doivent en effet redoubler d’efforts pour réduire et optimiser leur consommation d’énergie. Un potentiel d’économie non négligeable réside, entre autres, dans la récupération et la valorisation de la chaleur fatale issue des processus industriels. Ce workshop focalisé sur ce sujet précis, a permis de rassembler les acteurs industriels, les fournisseurs de solutions et la recherche, afin de générer des idées et des collaborations» appuie Caroline Muller, Manager du cluster Matériaux & Manufacturing chez Luxinnovation.
La chaleur perdue est une forme d’énergie pour laquelle vous avez déjà payé.
En effet, d’après l’étude «Excess heat potentials of industrial sites in Europe» réalisée en 2020, le potentiel total de chaleur excédentaire disponible et non exploitée correspond équivaut entre 4% et 9% de la demande totale d’énergie industrielle finale.
Les entreprises du secteur manufacturier doivent redoubler d’efforts pour réduire et optimiser leur consommation d’énergie
«Le marché de la chaleur fatale représentait 66 milliards EUR en 2020 et devrait représenter 134 milliards de 2030», a expliqué Alexandre Bertrand, Senior researcher & Technology Associate, au Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), au cours du workshop «Waste heat recovery and valorisation in industrial processes», organisé ce mardi à Belval et qui a réuni plus d’une soixantaine de professionnels, industriels et prestataires de services.
Le LIST a d’ailleurs développé un outil, Heat2Power, dans le cadre d’un projet de recherche mené avec la Fondation ArcelorMittal Luxembourg et co-financé par le Luxembourg National Research Fund. Ce logiciel identifie les meilleures combinaisons de technologies et de conditions d’exploitation pour atteindre une efficacité et une rentabilité maximales en récupérant la chaleur perdue et en la convertissant en électricité.
Directive européenne
Cette thématique de la chaleur fatale a aussi été prise à bras le corps au niveau européen. La directive (UE) 2023/1791 relative à l’efficacité énergétique, entrée en application en octobre 2023, consacre ainsi plusieurs de ses dispositions à cette thématique de la chaleur perdue.
«Les mesures de récupération de la chaleur perdue réduisent la consommation finale d’énergie et contribuent ainsi à atteindre nos objectifs nationaux en matière d’efficacité énergétique», a expliqué Denis Sijaric, spécialisé dans les dossiers d’efficacité énergétique au ministère de l’Économie.
Le marché de la chaleur fatale représentait 66 milliards EUR en 2020 et devrait représenter 134 milliards de 2030.
Entre les possibilités de réduire la perte de chaleur, celles permettant de récupérer cette chaleur pour la réinjecter dans les process internes et les options de valorisation externe, les pistes sont nombreuses et peuvent être, pour certaines, facilement mises en œuvre.
«La chaleur perdue est une forme d’énergie pour laquelle vous avez déjà payé. Donc assurez-vous d’en exploiter tout le potentiel» a rappelé M. Sijaric, indiquant que les mesures de récupération de la chaleur perdue sont de plus en plus rentables ces dernières années, dans la mesure où la hausse des prix de l’énergie réduit le retour sur investissement. «Des projets sont aujourd’hui réalisés alors qu’ils n’étaient pas rentables il y a quelques années».
Sans oublier, bien sûr, les opportunités de subventions publiques délivrées par le ministère de l’Économie ainsi que les mécanismes d’obligations en matière d’efficacité énergétique (EEOS) qui proposent des incitatifs financiers ou non-financiers afin d’inciter, accompagner et supporter les consommateurs lors de la mise en œuvre de mesures d’efficacité énergétique.
Des exemples concrets
À l’occasion de ce workshop, de nombreux exemples concrets ont été présentés, comme les solutions de récupération et de stockage d’énergie de la start-up française Eco-Tech Ceram; les procédés de récupération de chaleur fatale sur un modèle d’économie circulaire de la société Armstrong International; ou encore des réalisations concrètes accompagnées par Energieagence auprès de grands groups industriels tels que Goodyear, Circuit-Foil ou Cimalux, avec à la clé des gains financiers de plusieurs centaines de milliers d’euros et des économies énergétiques substantielles.
De nombreuses solutions existent, tant au niveau industriel que dans le domaine de la construction, par exemple
La visite, dans l’après-midi, d’un site d’ArcelorMittal, a permis de toucher du doigt la réalité d’un process de revalorisation externe de chaleur perdue, dans le cadre d’un projet mené en collaboration avec le fournisseur Sudcal et le prestataire Dalkia: l’injection dans le réseau de chauffage de quelque 18GWh d’énergie par an, soit l’équivalent de l’alimentation en chauffage de 4.000 logements. Avec une réduction d’émission de CO2 de 5.000 tonnes comparé à un système de chauffage classique.
Les mesures de récupération de la chaleur perdue réduisent la consommation finale d’énergie et contribuent ainsi à atteindre nos objectifs nationaux en matière d’efficacité énergétique.
«L’ensemble de cette journée a permis de mesurer l’importance de cette problématique et de se rendre compte que de nombreuses solutions existent, tant au niveau industriel que dans le domaine de la construction, par exemple», se réjouit Charles-Albert Florentin, le manager du Luxembourg CleanTech Cluster chez Luxinnovation.
Du reste, cette thématique sera spécifiquement abordée à l’occasion de la deuxième conférence sur la construction durable pour des villes résilientes 2.0 conjointement organisée par le LIST, Luxinnovation et Neobuild le 23 mai 2024, dans le bâtiment Neobuild à Bettembourg.